Comment chiffrer le coût de l’absentéisme ?

Tout le monde s’accorde à dire que l’absentéisme coute cher, et généralement, trop cher. L’institut Sapiens estime que le coût de l’absentéisme s’élève à 108 milliards d’euros par an en France, soit 4 059€ par an et par salarié. Ce coût est supporté par l’Etat et les entreprises. Un tiers du taux d’absentéisme serait normal, lié aux maladies non évitables. Les deux tiers restants seraient dus dans 99,9% des cas à des dysfonctionnements de l’entreprise : conditions de travail, qualité de vie au travail, organisation du travail, communication, gestion du temps, formation et politique de rémunération. 

Pourquoi Chiffrer l’absentéisme ?

Le niveau d’absentéisme est révélateur de la qualité des conditions de travail, plus globalement de la bonne santé de l’entreprise et de ses salariés. C’est un indicateur particulièrement suivi pour la détection des risques psychosociaux dans l’entreprise et l’évaluation de la qualité de vie au travail.

Le coût de l’absentéisme est un autre indicateur révélateur dans une entreprise privée à but lucratif. Il met en évidence les sommes que l’entreprise dépense pour pallier aux absences et qu’elle aurait pu investir ailleurs, et notamment dans un plan de prévention des risques professionnels ou de réduction de l’absentéisme.

Budgétiser des mesures dans un plan d’action de réduction de l’absentéisme

Les partenaires sociaux peuvent dans le cadre d’un accord QVT négocier des actions visant à diminuer l’absentéisme. Ces mesures peuvent être financées par les gains de performance résultant de ce plan d’action.

Attention aux effets secondaires

L’évaluation du coût de l’absentéisme devrait être précédée d’une étude de l’absentéisme et plus particulièrement du niveau et de ses causes.

Une entreprise tout à fait saine présente de l’absentéisme en raison des problèmes de santé inévitables pour les salariés (grippe, covid…). A l’inverse, une entreprise qui présenterait un très faible taux d’absentéisme envoie un signal inquiétant. Cela peut être le signe d’une situation de présentéisme dans laquelle les salariés, de par des considérations de conscience professionnelle (pas l’habitude de « se laisser aller », impossibilité de déléguer certaines tâches, peur de la surcharge de travail au retour…) ou financières (jours de carence, pertes de primes), ne prennent pas l’arrêt de travail prescrit par leur médecin (28% des arrêts de travail en 2019 n’ont pas été pris ou l’ont été partiellement selon le cabinet Ayming). A long terme, cela peut engendrer des effets négatifs : fort turnover et longue maladie.

Quels sont les coûts de l’absentéisme ?

Les coûts directs

Les couts directs de l’absentéisme sont faciles à appréhender.

Le maintien de la rémunération est en principe visible dans un logiciel de paie. Les fiches de paies mentionnent le plus souvent le maintien ou non de la rémunération pendant l’arrêt maladie. Le maintien de la rémunération est de deux ordres : la suppression partielle ou totale du délai de carence (en principe 7 jours) et le maintien partiel ou total de la rémunération pendant une certaine durée. Le niveau, la durée et les modalités du maintien dépendent des accords ou de la convention collective de l’entreprise.

Les entreprises cotisent à la CARSAT pour l’indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles. Dans certains cas, ce taux de cotisation peut être majoré. C’est le cas notamment si l’inspecteur de la CARSAT constate que les règles d’hygiène ou de sécurité ne sont pas respectées.  Elle notifie alors à l’entreprise la majoration.

 

Les coûts indirects

Ils sont bien plus difficiles à évaluer et requièrent l’accès à une comptabilité analytique ou des outils de gestion précis.

En règle générale, le recours aux heures supplémentaires, à l’intérim et au CDD peut-être de deux ordres :  d’une part les remplacements et d’autre part le surcroit d’activité ou un usage saisonnier. Pour les deux derniers cas, les contrats doivent faire mentions du type de recours. Il est donc facile d’évaluer le coût des remplacements. Le recours aux heures supplémentaires est quant à lui libre. Le coût des remplacements par des heures supplémentaires est donc difficilement quantifiable.

Il faut également rajouter le coût administratif non anodin de la gestion des absences. Il est composé du temps passé par le management et par le service RH pour gérer l’absence (relation avec l’agence d’intérim, rédaction des contrats, modification des plannings etc.).

Les coûts de la désorganisation et de la perte de productivité sont tout aussi réels mais plus difficiles à évaluer. Ils englobent toutes les conséquences en chaîne résultant des absences : non productivité, temps de formation du salarié qui remplace, perte d’informations, désorganisation de l’activité, insatisfaction client, défaut dans la qualité…

Pour évaluer ces derniers coûts, il faut comparer les résultats des indicateurs de productivité. Ces comparaisons supposent des outils de gestion précis et fiables.

Un absentéisme répété ou généralisé induit souvent une pression sur la charge de travail des collègues (heures supplémentaires pour réguler l’activité ou accompagnement des remplaçants) en produisant les conséquences énoncées plus haut. Cette pression impacte donc la qualité de vie au travail des salariés dont l’activité et les plannings en particulier, peuvent être bouleversés.  Ce phénomène peut engendrer des tensions au sein du collectif de travail ou de la démotivation de la part des salariés. Cela dégrade progressivement le climat social et la qualité de vie au travail, entrainant parfois du turnover et donc de la perte de compétences. Les coûts induits par cette dégradation sont donc réels (perte de compétitivité) mais difficile à mesurer.

Exemple : Dans une entreprise du bâtiment, un technicien est en arrêt maladie pendant 10 jours suite à un accident du travail. Il travaillait en tant qu’électricien sur un chantier de rénovation intérieure d’un hôtel de luxe. Les coûts sont les suivants :

Coûts directs :

Maintien de la rémunération : 100% de la rémunération à partir du 4eme jour d’arrêt ;

Sur-cotisation suite à la visite de l’inspecteur de la CARSAT qui a constaté plusieurs non-conformités récurrentes ;

Coûts indirects :

-Coût des remplacements : suite à une pénurie de main d’œuvre, le chef d’équipe a trouvé une solution après avoir contacté toutes les agences d’intérim de la ville ainsi que les RH locaux, des collègues électriciens vont venir renforcer l’équipe les matins de 8 à 10h ;

-Coût de la désorganisation :

Les électriciens remplaçants ont dû prendre connaissance très rapidement des plans qui ne mentionnaient pas plusieurs subtilités du réseau électrique ;

Des conflits sont intervenus avec les peintres en bâtiment en raison des retards : cela a généré une mauvaise ambiance et un manque de communication altérant le bon fonctionnement de l’activité ;

Le chantier a pris 10 jours de retard : le client a demandé des pénalités de retard ;

Le client a relevé deux non conformités ;

Les techniciens ont dû revenir, aux frais de l’entreprise.

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