Le rôle du CSE vis-à-vis des sous-traitants
Le rôle du CSE dans la santé au travail est fondamental. Les représentants du personnel sont des préventeurs dans des entreprises où les autres acteurs de la prévention sont parfois faibles voire absents. La responsabilité des représentants du personnel vis-à-vis des sous-traitants est d’autant plus importante qu’elle concerne souvent des entreprises de petites tailles et des situations de travail difficiles à caractériser.
CSE et santé au travail
C’est bien sûr un simple rappel pour les fidèles lecteurs du Zoom ! Le CSE procède à l’analyse des risques professionnels auxquels peuvent être exposés les travailleurs, contribue à faciliter l’accès des femmes à tous les emplois et suscite toute initiative qu’il estime utile en termes de prévention. Rôle important mais qui concerne beaucoup de monde !
Qui est concerné ?
Les attributions de la délégation du personnel en termes de prévention s’exercent bien sûr au profit des salariés, mais aussi :
· Des stagiaires
· De toute personne placée sous l’autorité de l’employeur
· Des salariés d’entreprises extérieures exerçant leur activité dans les locaux
· Des salariés temporaires.
Les salariés d’entreprises sous-traitantes sont donc concernés, reste maintenant à déterminer précisément ce qu’est la sous-traitance.
Définition de la sous-traitance :
Selon l’Association française de Normalisation (AFNOR) : « la sous-traitance est définie comme l’opération par laquelle un entrepreneur confie à une autre personne appelée
sous-traitant, tout ou partie de l’exécution du contrat d’entreprise ou du marché public conclu avec le maître de l’ouvrage ». En France, la sous-traitance est régie par la loi no 75-1334 du 31 décembre 1975.
Sous-traitance ou externalisation ?
La question devient compliquée dès qu’on s’intéresse au réel. Le cas du sous-traitant intervenant sur un chantier du bâtiment est clair et bien compréhensible. Le maître d’ouvrage a recours à plusieurs entreprises pour mener à bien son chantier. Il les coordonne et assume des responsabilités en termes de conditions de travail. En dehors du secteur du bâtiment, les situations de travail constituent malheureusement un continuum difficile à démêler.
Au premier niveau se trouve la pure externalisation de fonctions considérées comme non
centrales : gardiennage, nettoyage ou restauration en sont de bons exemples. Dans ce cas, les représentants du personnel ont un rôle en termes de prévention puisque le travail se déroule physiquement dans les locaux de l’entreprise.
Au second niveau se trouve une externalisation moins visible : paye, comptabilité, une partie
des fonctions RH. Ces activités sont aujourd’hui souvent externalisées hors des locaux de l’entreprise (et souvent hors de nos frontières d’ailleurs). Cette externalisation échappe à toute vision et responsabilité des IRP (sauf pour ses dimensions économiques).
Enfin, on trouve des partenaires intervenant sur des « dossiers » ou contrats de l’entreprise :
consultants, spécialistes techniques, … Bien que difficilement identifiables, ils exécutent « une partie de l’exécution du contrat d’entreprise » et sont donc sous-traitants sous la responsabilité du CSE en termes de conditions de travail.
Et quand ça cascade ?
La sous-traitance en cascade n’est pas une nouveauté. Il n’est pas rare qu’un sous-traitant de premier rang sous-traite à un second rang qui fait de même avec un 3eme rang et ainsi de suite… Mais ce sous-traitant de Xeme rang est-il sous la responsabilité du CSE « d’origine » en termes de conditions de travail ? OUI ! et heureusement d’ailleurs car sinon les obligations de prévention de l’employeur seraient vite et facilement contournées ! De nombreuses jurisprudences récentes viennent conforter ce point.
Prenons l’exemple des télécoms. Les chantiers sont nombreux : déploiement de la fibre, de la 5G, maintenance. Pourtant les grands opérateurs télécoms ont de moins en moins,
voire plus du tout, de techniciens capables d’intervenir sur le terrain. Ils sous-traitent donc à des opérateurs spécialisés…qui ont parfois eux-mêmes très peu ou pas de techniciens et qui sous-traitent donc…2eme rang, 3eme rang etc…
Ainsi la pose d’un boitier fibre pour un opérateur télécom de grande taille employant plusieurs milliers de salariés et disposant de plusieurs CSE est bien souvent faite par
un artisan, une micro-entreprise, voire un auto-entrepreneur, bien sûr dépourvus de représentants du personnel !
Comment analyser une telle situation sur le plan de la responsabilité de prévention ?
Responsables en cacade
Pour déployer son activité, l’opérateur Telecom délègue une activité à un sous-traitant. Cet acte est contractualisé mais exonère-t-il le donneur d’ordre de toute responsabilité
? Ce ne serait valable que si la délégation l’était et respectait les trois conditions : compétence, autorité et moyens nécessaires.
Le sous-traitant de rang 1 appelé Maître d’Œuvre (MOE) agit au service du Maître d’Ouvrage (MOA) et peut recourir à un sous-traitant de rang 2. Le MOE est contractuellement responsable envers le MOA des fautes commises par ses sous-traitants de rang 2 dans l’exécution des travaux qu’il leur a confiés. Le sous-traitant est considéré comme un entrepreneur, mais il est subordonné à l’entrepreneur principal (celui qui est en charge de la construction de l’ouvrage). Notre opérateur Telecom ne s’est donc pas débarrassé de son obligation de prévention, ses responsabilités demeurent : conseil, contrôle de sécurité des
chantiers qu’il génère.
C’est grave docteur ?
Souvent oui ! Les sous-traitants de bout de chaine interviennent dans les conditions souvent les plus difficiles : pression économique, intervention sur la voie publique, méconnaissance des règles de sécurité, … Les conséquences sont visibles lorsqu’il s’agit de travaux sur la voie publique avec des blessés, voire parfois des morts au travail. Mais le phénomène n’est pas anodin dans le secteur des services où des sous-traitants peuvent faire des volumes de travail anormaux, chez eux et sans aucun cadre de prévention ni prise en compte des
horaires. Cet article aurait finalement aussi pu se focaliser sur la sous-traitance dans les domaines du numérique !
La santé au travail inquiète et ne progresse plus depuis des années. Le développement de
sous-traitances visibles ou invisibles y est pour quelque chose. Si le CSE d’origine n’intervient pas, qui le fera ?
Mais on fait comment précisément ?
Le but est d’améliorer le Document Unique et finalement de réaliser les enquêtes accidents du travail, même lorsqu’ils concernent les sous-traitants. Mais comment faire lorsque l’on ne connaît pas le sous-traitant et qu’on ne le voit même pas ? C’est là que la portée « universelle » du CSE devient intéressante. Le début de la problématique est en effet économique. Il incombe au CSE de déterminer les contours économiques de la sous-traitance : quelles opérations, où, avec quels partenaires ? Gros chantier qui permet ensuite aux élus du CSE d’aller investiguer les conditions de travail des sous-traitants. Problème difficile, solution difficile.